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Réforme de la justice : Préambule

Une série d'articles de Raymond Taube, directeur de l'IDP

Le projet de loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice a été adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 18 février 2019. Il doit encore passer le cap du Conseil constitutionnel avant d’être promulgué, et continue à faire grincer les dents des magistrats et avocats, unis dans une critique acerbe d’un projet qui attenterait à l’efficacité de l’institution judiciaire, éloignerait les justiciables des tribunaux, et n’aurait comme seul, du moins comme principal fondement, que le souci de faire des économies budgétaires.

Au fil de prochains articles, nous nous pencherons sur les principaux volets de cette réforme, qui impacte les justiciables autant que les professionnels, comme peut-être jamais ne l’avait fait une réforme de la justice sous la 5ème République, principalement parce qu’elle nous prépare psychologiquement à ce que pourrait être la justice dématérialisée d’après-demain.

Pour le meilleur ou (et) le pire, il faut bien vivre avec son temps et prendre acte de l’avancée du numérique dans toute la société. Ici comme ailleurs (les banques, les services publics…), ce n’est plus vraiment à prendre ou à laisser. On peut le déplorer, mais peut-on encore s’y opposer ? Plutôt que de regretter le « bon vieux temps », de regarder en arrière, nous avons tout intérêt à accompagner ce mouvement, à nous l’approprier, à l’anticiper pour ne pas le subir.

Et nous n’en sommes qu’au début : l’intelligence artificielle guette, et la perspective qu’elle remplace à terme juges et avocats n’appartient plus à la seule fiction. Comme en médecine, où l’IA assistera le médecin avant que ce soit lui qui assiste la machine, le juge pourrait tôt ou tard être supplanté par les algorithmes, plus rapides, plus fiables, plus équitables. D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme envisage déjà de leur confier la recevabilité des requêtes. Glaçante déshumanisation, pensez-vous ! Oui, mais l’aléa judiciaire est tel que l’on peut parfois se demander si le tribunal des juges n’est pas un vaste casino. Plus que le possible parti-pris du juge qui, comme nous le disait un neuropsychiatre expert près la Cour de cassation, « ne peut s’empêcher de projeter son propre matériel », c’est l’interprétation des lois qui explique cet aléa. N’en déplaise aux magistrats, une justice rendue, au moins partiellement, par des algorithmes, pourrait s’avérer plus équitable que la leur.

En attendant que ce rêve ou cauchemar devienne réalité, nous nous intéresserons à l’avenir plus immédiat, celui de la réforme de la justice, même si certaines dispositions n’entreront en vigueur qu’en 2022.

À bientôt, donc…

Raymond Taube
Directeur de l'IDP