L’école, et plus généralement la vie scolaire de l’enfant, sont souvent le théâtre de conflits relatifs à l’exercice de l’autorité parentale, au point de mettre parfois les directeurs d’établissement en porte-à-faux, et d’exposer l’Éducation nationale à répondre de certains choix devant le juge administratif.
Rappelons le principe : l’article 372-2 du Code civil dispose qu’« à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant ».
Ainsi, pour les actes dits « usuels », un parent peut agir, non pas contre la volonté de l’autre, mais sans recueillir formellement son approbation, puisqu’il est présumé être d’accord. En conséquence, le tiers, comme l’école, n’est pas obligé (ce qui ne signifie pas que cela lui soit interdit) de recueillir ce double consentement.
Néanmoins, cette présomption d’accords entre les titulaires de l’autorité parentale tombe lorsque l’autre se manifeste. En matière scolaire, c’est ce qu’a notamment indiqué le tribunal administratif de Lille dans sa décision du 11 mars 2009.
Mais qu’est au juste un acte usuel ? La loi ne le dit pas. Le législateur avait naguère tenté de définir les actes importants, mais aucun projet ou proposition de loi n’est jamais allé à son terme. Il est communément admis que les décisions importantes sont celles qui impactent durablement la vie de l’enfant. Elles doivent par conséquent être prises à deux (si les deux parents exercent l’autorité parentale, ce qui est l’hypothèse la plus fréquente) : certains choix de scolarité, une hospitalisation ou une intervention chirurgicale (hors urgence, évidemment), un déménagement du parent gardien qui affecterait les relations de l’enfant avec l’autre parent sont des actes importants.
La jurisprudence apporte un éclairage sur ces questions, même les circonstances et le contexte sont très variables, et qu’il ne faut pas lui donner la portée d’une vérité absolue transposable à toutes les situations. C’est ainsi qu’autoriser une sortie scolaire en France ou faire établir un passeport au nom de l’enfant (Conseil d’Etat, 8 février 1999, cette dernière décision étant contestée par la doctrine) sont des actes usuels. Il en va de même de la justification d’absences scolaires, ponctuelles et brèves (tribunal administratif de Melun, 18 déc. 2007).
S’agissant de la scolarisation d’un enfant, son inscription dans une école publique est un acte usuel (Cour administrative d’appel de Paris, 2 oct. 2007). Un désaccord de l’autre parent obligerait le plus diligent à saisir le juge aux affaires familiales. On peut dès lors s’interroger sur l’attitude de l’établissement face à une telle opposition. S’agissant a priori d’une décision usuelle, la tendance est de faire droit au choix du parent chez lequel l’enfant réside, sans quoi l’enfant ne serait pas scolarisé en attendant la décision du juge. De même, exiger la signature des deux parents avant la scolarisation peut être vu comme une manière d’éviter tout engagement de responsabilité (d’aucuns diraient sortir le parapluie), mais cela peut également inciter l’autre parent à s’opposer par principe au choix du parent gardien, comme on le rencontre parfois.
En général, scolariser un enfant dans une école privée est considéré comme un acte nécessitant l’accord des deux parents exerçant l’autorité parentale, sauf si l’enfant était déjà scolarisé dans un tel établissement du temps de la vie commune.
La question est particulièrement délicate lorsque le choix public/privé est en réalité dicté par des considérations religieuses et qu’il s’agit en réalité d’un choix entre une école laïque et une école confessionnelle. Le 28 août 2014, la Cour d'appel de Douai avait jugé qu’un père de confession juive, dont l’enfant résidait à titre principal chez sa mère, était bien fondé à l’inscrire dans une école publique laïque et non privée catholique comme l'avait unilatéralement décidé la mère, de confession catholique. Cette décision peut s’interpréter comme celle du juste milieu ou de la neutralité.
Dans la plupart des cas, le fondement de la décision est le maintien de la situation antérieure à la séparation des parents. Ainsi, il avait été jugé par la Cour d’appel de Montpellier le 30 mai 1988, qu’un parent doit recueillir l’accord de l’autre pour retirer un enfant d'un établissement religieux choisi antérieurement par les deux parents, dans le but de le scolariser dans un établissement laïque.
Toujours en matière de scolarité, un choix ou un changement d’orientation, une autorisation de redoublement ou de saut de classe sont également des actes importants.
Raymond Taube
Directeur de l'Institut de Droit Pratique