En une vingtaine d’années, je suis intervenu dans d’innombrables grandes entreprises et administrations, en particulier en formant les assistantes sociales du personnel, véritables témoins privilégiées des problèmes relationnels et plus généralement RH que l’on y rencontre.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les assistants sociaux du travail ne sont pas majoritairement sollicités pour des problèmes… de travail. Certes, les questions d’inaptitude, d’arrêt de travail, de maladie ou de stress professionnels, voire de harcèlement moral ou sexuel sont une réalité, mais c’est d’abord pour des motifs personnels, comme le divorce et autres ruptures de couple, l’obligation alimentaire, le surendettement, le crédit à la consommation, les litiges du logement… que sont sollicités les assistants sociaux du travail.
Je ne suis pas convaincu que tous les DRH en aient parfaitement conscience, mais il est vrai qu’ils ont tant de chats à fouetter, en évitant constamment de se prendre les pieds dans les méandres du Code du travail, qu’on ne peut leur en tenir grief. Pourtant, ces problèmes personnels rejaillissent parfois avec virulence sur la vie professionnelle : le salarié hanté par son divorce ou ses problèmes d’argent, est davantage sujet à l’absentéisme, aux accidents du travail, à la baisse de sa productivité, à l’irritabilité… Il est fragilisé sur le plan relationnel, percevant parfois le moindre reproche, la moindre remarque comme une agression.
D’autres directions des ressources humaines prennent davantage en considération les effets dévastateurs que peuvent avoir les problèmes personnels des salariés sur leur activité professionnelle ou sur leur santé. C’est alors dans une optique de prévention des risques psychosociaux que sont formés leurs assistants sociaux du travail, conseillers du travail, parfois RRH, en particulier au droit des personnes.
Souvent, les salariés importent leurs problèmes personnels sur leur lieu de travail : environ un million de foyers sont en situation de surendettement caractérisée, un drame qui ne concerne pas que les chômeurs, loin s’en faut. Ajoutons que près d’un mariage sur deux se termine en divorce, surtout dans les grandes villes. Ces deux seules statistiques devraient contribuer à éclairer les directions des ressources humaines sur les drames que vivent nombre de leurs salariés, drames auxquels on attribue trop souvent l’origine à un conflit du travail ou un problème professionnel.
Raymond Taube